Le 17 février, le départ de Vincent Bolloré a fait grand bruit, comme pour mieux marquer de son empreinte ce passage de relais à ses deux fils. Il leur laisse une entreprise cotée, bien ficelée – les fameuses poulies bretonnes -, une stratégie diplomatique très personnelle, mais aussi quelques enjeux financiers de taille. Si l’adage veut que personne ne soit irremplaçable, il y a tout de même ceux qui laissent avec leur départ un héritage fort, voire lourd, à leurs successeurs. Ce qui nous fait poser la question suivante : comment gérer l’ombre des fondateurs pour ceux qui leur succèdent ?
Au premier abord, il pourrait paraître évident que ces moments de changement de direction sont forcément propices à des évolutions : à nouvelle page de l’histoire, nouvelle organisation. Mais la question est bien souvent plus compliquée à trancher. Isabelle Galois-Faurie et Marcos Barros, de Grenoble École de Management (GEM), et François Grima, de L’Université Paris-Est Créteil Val de Marne (UPEC), c’est un moment où s’affrontent « d’une part le spectre malléable, qui offre la possibilité aux membres de faire évoluer l’identité de leur organisation et, d’autre part, le fantôme [du prédécesseur] limitant les alternatives identitaires ». En résumé, le nouveau dirigeant doit parvenir à apposer sa touche et son autorité sans renier et dénaturer l’héritage.
Qui plus est, la problématique est double. Elle se pose en interne, avec les choix d’organisation, de structure, de stratégie politique. Mais elle se pose aussi en matière de communication vers l’externe. Assumer la continuité ? À l’instar des créateurs de mode, notamment Mademoiselle Chanel, qui sont devenus des éléments de langage à part entière. Ou bien assumer la rupture ? Comme ce que vit la marque à la pomme depuis le décès de son fondateur historique. Ces choix non-moins délicats doivent-ils d’ailleurs être décidés en vase clos ou avec une partie des employés ? Doit-on prêcher la nouvelle parole ou co-construire pour embarquer le plus grand nombre dans cette nouvelle histoire ?
Que retiendra alors Bolloré de Vincent ? Son sens extrême du rapport de force, sa capacité à endosser le rôle du grand méchant, sans doute. Et comment Cyrille et Yannick envisageront désormais la structure si particulière du Groupe ? Cette pluriactivité, construite au gré des opportunités, est-elle toujours autant d’actualité à l’heure où la vente des actifs en Afrique est sur la table et que l’audition sur la concentration des médias se poursuit au Sénat ?
Préparer sa succession est déjà un défi, mais prendre une succession en est un autre. Dans l’héritage, il y a toujours une part d’ombre, ce qui donne lieu à des feuilletons uniques et passionnants à suivre !
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